An 2102, une troisième guerre mondiale éclata. Trouvant son origine confuse au milieu des nombreux conflits qui secouaient l’humanité depuis des années déjà, les grandes puissances décidèrent d’utiliser leurs meilleures armes afin de prendre le pouvoir et d’obtenir les trésors qu’ils recherchaient sur les sols qui étaient, depuis longtemps, hors de leur portée. La très haute technologie aidant, sur les champs de bataille, les hommes tombaient sans réussir à se défendre mais les pays pour lesquels ils mourraient n’admirent pas de défaite et renvoyèrent toujours plus de soldats. Les morts se comptaient par milliers mais, visiblement, ce n’était pas encore assez rapide pour les attaquants qui commencèrent à user d’armes biologiques, chimiques et nucléaires. Non contents de détruire leurs frères, ils s’en prenaient maintenant à la terre qui les portait depuis des milliards d’années. Cette même terre qui céda.
L’on a tort de penser que nous n’avons qu’un immense caillou sous les pieds, il n’est de plus grand organisme sur terre que la Terre elle-même. Vivante et capable d’intelligence, elle choisit soudainement d’intervenir pour empêcher les humains de se décimer. Le premier champ de bataille à s’effondrer se trouvait en Eurasie, l’ouest de la Russie fut englouti dans des tremblements de terre et des glissements de terrain.
Sous le choc, les combats cessèrent quelques temps, le temps d’évacuer les cadavres restants, de recenser les morts et les disparus, de se préparer à repartir en guerre.
Il ne leur fallut que quelques mois pour reprendre du poil de la bête. Loin d’avoir compris le message de leur belle planète qui craignait autant pour elle que pour les espèces qui vivaient sur son seuil, les hommes repartirent au combat. Les catastrophes naturelles commencèrent alors à s’enchainer, mais pas uniquement sur les champs de bataille, les grandes villes furent aussi touchées, partout où se trouvaient les têtes pensantes de cette guerre inutile. Cyclones, typhons, tsunamis, volcans entrant en éruption, les combats n’étaient plus la priorité de personne, tous trop préoccupés par leur survie.
An 2105, un exode de masse fut noté dans toutes les villes touchées et même celles de second ordre, des études scientifiques ayant découvert que la cause de ces catastrophes étaient la trop grande concentration des populations et les grande émanations de gaz dues aux véhicules et au style de vie toujours plus gaspilleurs de l’humanité. Les villages devinrent vite des villes. Les richesses se perdirent, le travail devint presque impossible à trouver pour les nouveaux arrivants, ainsi que les logements. Les sans-abris peuplèrent alors les rues.
An 2110, les crimes et les larcins redoublèrent mais les civils ne se laissèrent pas faire, protégeant leurs familles des pillages et des meurtres. Ainsi débutèrent les Sanglantes Guerres Civiles. Partout dans le monde les conflits recommencèrent, encore plus horribles qu’auparavant, forçant la Terre à intervenir une nouvelle fois. Les nouvelles grandes villes devinrent alors la cible de ses effroyables assauts. Les gouvernements prièrent les civils de regagner les grandes villes afin d’être mieux protégés.
An 2113, malgré les couvre-feux mis en place et la grande vigilance des autorités, c’était l’anarchie. Les mesures ne suffirent pas à contrer les vagues criminelles. Tout ce qu’elle avait fait n’avait servi à rien, l’humanité était perdue. Désespérée et à bout de force, la planète créa un virus mortel qui contamina tous ceux coupables de crimes, les humains sains furent peu nombreux.
Déclarées insalubres, les villes furent toutes, sans exception, évacuées par les survivants.
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La fondation d’Alium Venari
Extraits du carnet de note du Dr Clifford Coleman – chercheur au Laboratoire Utopia
02 mars 2216 – Un petit garçon est arrivé au laboratoire aujourd’hui. Un couple l’a trouvé errant dans la forêt et l’a ramené à sa colonie. Son étrangeté m’a aussitôt sauté aux yeux, après avoir fait disparaître les parents et récupéré l'enfant, je l’amenai au laboratoire. Nos recherches sur le virus qui a chassé l’humanité des villes vont enfin avancer, cet enfant n’est pas comme les autres.
14 juin 2216 – 4h03, les incessants gémissements du sujet ont cessé après quatre mois d’électrochoc, nous ne l’avons néanmoins pas détaché.
5h37, le sujet est entré dans une transe profonde et ne réagit plus à rien, pas même à son prénom.
12h12, il semblerait qu’une entité parle à travers la bouche du sujet, probablement celle qui est notre ennemie depuis plus d’un siècle, nous l’avons nommée Gaia, notre propre planète. Voilà ses paroles :
« N’y a-t-il pas plus grand trouble pour une mère que de voir ses enfants s’entredéchirer en permanence pour des trésors insignifiants ? Avais-je d’autres moyens pour les arrêter ? Ai-je d’autres moyens que de les éprouver pour qu’ils puissent comprendre qu’ils courent à leur perte… à ma perte ? »
27 décembre 2216 – Le sujet est toujours prostré. Même en dormant, elle s’exprime à travers lui, l’empêchant de reprendre des forces. Voilà ce qu’il a répété, des heures durant :
« Vous devez arrêter… arrêter… il faut arrêter… »
13 janvier 2217 – La voix de Gaia est de plus en plus pressée, elle s’affole à mesure que son hôte faiblit, nous avons enlevé la sonde qui l’alimentait.
30 janvier 2217 – Décès du sujet à 21h53. Ses dernières paroles nous confirmèrent ce que nous soupçonnions depuis des mois déjà, l’enfant n’était pas l’unique spécimen de sa race, les autres vivent partout sur le globe, attendant de porter le coup de grâce à notre espèce.
12 juillet 2217 – Les premiers Saevus arrivent enfin au laboratoire afin que nous les étudiions. L’opération Alium Venari est un succès, les chasseurs font merveilles. Comme leur prédécesseur, lorsqu’on les torture, elle se fait entendre. Prenons bonne note des indications qu’elle nous donne.
« Ils seront votre Salut. » Notre Salut sera leur destruction.
09 octobre 2228 – J’ai enfin réussi à me trouver un abri. Il ne reste plus rien du laboratoire, il a été complètement ravagé et les Saevus ont pris la fuite. J’ai réussi à en marquer un avant qu’il ne soit emmené, sauvé par un de ses semblables, tant pis. Tous les résultats de nos expériences ont été brûlés, je dois tout recopier pour rebâtir notre œuvre, cela prendra le temps qu’il faudra, mais je les anéantirai.
05 mai 2234 – Me voilà arrivé dans le Dakota du Nord, le voyage a été long mais j’ai trouvé ici des confrères pour recommencer. Alium Venari est en train de renaître et les Saevus disparaîtront.
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Colombie Britannique. À quelques dizaines de kilomètres au sud de ce qu’il reste du Laboratoire Utopia s’étend Chilliwack Lake, un ancien parc naturel partagé entre la Colonie Nord et le Clan Sud.
Initialement, les habitants de la Colonie Nord et du Clan Sud formaient une seule communauté, venus d’un peu partout du Canada et des États-Unis pour trouver un lieu sûr où vivre suite à la Contamination, ils choisirent Chilliwack Lake pour la nourriture qu’il promettait et les demeures qui offraient déjà un abri à la communauté. Avec le temps, les règles se créèrent afin d’assurer à chacun l’égalité et la survie, même si cela voulait dire mettre à mal la liberté, et un Conseil fut choisi pour les décisions importantes.
Après cinquante ans de cette vie paisible et restrictive, un vol fut commis. Une jeune fille affamée vola, un soir, un morceau de viande pour calmer les protestations incessantes de son estomac. Elle se fit prendre par un veilleur qui l’emmena au Conseil. Le lendemain matin, la sanction tomba malgré les excuses de la jeune fille : elle devait quitter la Colonie, un tel comportement était inacceptable.
Si, depuis plusieurs mois, des membres de la communauté commençaient à critiquer les règles qui se faisaient de plus en plus rudes, cet évènement marqua la véritable scission entre ceux qui soutenaient le Conseil envers et contre tous, et ceux qui voulaient récupérer leur liberté. Les esprits s’échauffèrent et, après quelques jours, une partie de la communauté décida de partir avec la jeune fille et de s’établir au sud du lac, après la limite du territoire de la Colonie, ainsi fut fondé le Clan Sud.
Après l’explosion du Laboratoire Utopia, inconnu aux habitants du lac qui crurent à un nouveau tremblement de terre, les Saevus captifs se réfugièrent auprès des deux communautés. La Colonie Nord crut recueillir des adolescents humains mais le Clan Sud compris qu’ils ne l’étaient pas à cause de l’apparence de certains et ils écoutèrent leurs histoires en se promettant de garder leur existence secrète et de les protéger d’Alium Venari.
Nous sommes en 2234. Cela fait plusieurs mois déjà que le message, venu de quelque part aux États-Unis, a été capté par la radio de la Colonie Nord et celle du Clan Sud : le virus qui contaminait l’atmosphère des villes a disparu et il n’y a plus aucun risque à parcourir les ruines de ce qui fut la civilisation moderne. Malgré les divergences d’opinion des deux communautés, tous savent qu’ils doivent continuer à vivre comme ils l’ont fait durant un siècle. Certes, les villes offrent des ressources inattendues et inespérées, mais elles représentent également les erreurs de l’ancienne civilisation, en aucun cas ils ne doivent reprendre le même chemin.
Loin de tout, entourés par la nature et les bêtes sauvages toujours plus nombreuses et dangereuses, et leurs conflits plus présents que jamais, la Colonie Nord et le Clan Sud ont trouvé un nouveau territoire à se disputer : Abbotsford, seule ville de l’Ouest Canadien ayant survécu aux catastrophes naturelles du début du XXIIe siècle.